Les Tragédies
On peut négliger, dans l'œuvre de
Racine, la Thébaïde et Alexandre; mais Andromaque, en 1667, est dans
l'histoire de notre théâtre, une date aussi importante que, trente et un ans
auparavant, celle du Cid.
Racine a tiré cette pièce du
tragique grec Euripide ; mais il s'est inspiré également d'Homère et de
Virgile. Il a modifié profondément la situation de son héroïne. Dans la légende
ancienne, Andromaque tremble pour la vie du petit Molossus, enfant né de son
mariage avec Pyrrhus. Chez Racine, Andromaque est restée la veuve d'Hector et
la mère d'Astyanax. Aussi va-t-elle se trouver prise entre deux devoirs :
demeurer fidèle à la mémoire de son époux, et sauver son fils. La jalousie et
l'orgueil d'Hermione forment un contraste saisissant avec la résignation et le
calme courage d'Andromaque.
Racine avait remporté un éclatant
succès avec Andromaque.
Mais les partisans du vieuxCorneille déclaraient Racine
incapable de réussir dans la tragédie historique. Celui-ci accepta le défi et chercha dans Tacite un
sujet qui lui permît de développer des sentiments romains. Il choisit l'histoire de Néron et de Britannicus, et la
suivit fidèlement ; mais il limita son action qui devait se passer en
vingt-quatre heures. Il ne voulut peindre en Néron que le monstre naissant,
afin que le personnage restât humain et pût exciter sinon la sympathie, du
moins l'intérêt des spectateurs.
Racine n'a pas toujours imité les
anciens. Une anecdote racontée par un ambassadeur à Constantinople lui a
inspiré une tragédie dont le sujet est contemporain. Il n'a pas cherché, dans
cette tragédie, la couleur locale extérieure, comme les romantiques. Mais il
s'est appliqué à donner aux passions et aux sentiments le degré d'intensité et
de fureur qui peut rendre vraisemblable le dénouement. Jamais la jalousie
féminine n'a été mieux analysée
Iphigénie est imitée du
poète grec Euripide, mais Racine modifie sur certains points l'action et le
dénouement. C'est ainsi qu'il rend Achille amoureux d'Iphigénie, tandis
qu'Euripide nous dit seulement qu'Agamemnon s'est servi du prétexte de ce
mariage pour faire venir sa fille à Aulis. Racine a supprimé le personnage de
Ménélas et l'a remplacé par Ulysse. Et surtout, il a changé le dénouement. Chez
Euripide, Iphigénie est étendue sur l'autel du sacrifice ; un nuage
l'enveloppe, elle disparaît, et l'on trouve à sa place une biche blanche. C'est
Diane qui l'a enlevée et transportée en Tauride. Racine suppose au contraire
que l'oracle a voulu désigner en réalité une autre Iphigénie, Ériphile, qui, à
la fin de la pièce, est contrainte de se sacrifier elle-même. Iphigénie est une des pièces les
mieux construites et les mieux écrites de Racine : Voltaire la considérait
comme le type parlait de la tragédie classique.
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