Héroïsme:
L'héroïsme cornélien revêt un aspect moral et psychologique, qui reflète les
sentiments d'enthousiasme, d'orgueil, de bravoure, de générosité, qui
représentaient encore l'idéal aristocratique de la noblesse au temps de Louis
XIII. Personnage d'exception, incarnation des valeurs féodales, le héros
cornélien, par son caractère chevaleresque et sa conception de l'amour (proche
du modèle courtois), tendait en effet aux gentilshommes un miroir flatteur,
mais il devait progressivement apparaître démodé au public de la seconde moitié
du siècle, gagné par les valeurs bourgeoises: ses ambitions étaient en effet
essentiellement dictées par le sentiment, historiquement daté, de la gloire.
Passion et gloire:
Le fondement même de l'héroïsme cornélien est l'orgueil, c'est-à-dire l'amour-propre, qui ne va pas sans le souci de sa propre réputation. Bien davantage que par l'idée du devoir, le héros de Corneille est dominé par son besoin absolu de liberté, aussi se laisse-t-il volontiers conduire par la passion. Cependant, loin d'être déchiré par celle-ci, il parvient toujours à l'accorder aux nécessités de sa gloire et, quels que soient les événements auxquels il se trouve confronté, il est toujours victorieux. C'est le cas dans le Cid, où Rodrigue choisit l'honneur avant l'amour, et obtient finalement les deux. C'est encore le cas dans Cinna, où Auguste, qui a préféré la clémence à la vengeance, gagne à la fois la gloire et la paix. De manière générale, l'orgueil du héros cornélien, fondé sur le sentiment de sa supériorité aristocratique, le conduit à exhiber sa propre valeur, à donner sa grandeur en spectacle aux autres personnages: rompus à toutes les techniques dramaturgiques, Corneille sut exploiter à merveille les possibilités du théâtre dans le théâtre.
Cependant, l'héroïsme cornélien n'est pas exclusivement spectaculaire. Il symbolise aussi un idéal personnel de défi et de noblesse, destiné à conjurer la menace de l'échec, de l'anéantissement et de la mort. La morale cornélienne consiste en définitive à faire coïncider les désirs, les passions et les instincts de ses personnages avec la conception qu'ils ont de leur propre supériorité, ce qui les entraîne inéluctablement à dépasser le statut de simple personnage pour accéder au rang de héros. Toujours admirables par l'exemple qu'ils offrent du pouvoir de la volonté humaine contre la force des choses, les héros de Corneille ne sont donc pas ceux de la véritable tragédie: loin d'être anéantis par une fatalité qui les dépasse, ils sortent victorieux des épreuves. En outre, une fois leurs grandes actions achevées et après qu'ils ont assuré leur salut et leur gloire vient pour eux le temps de l'amour, de la clémence et de la sérénité, temps béni qui est interdit définitivement aux héros tragiques.
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